Dans son papier fondateur « What is strategy? [1]», Michael Porter situe l’essence même de la stratégie d’entreprise comme le fait de choisir à quel point et comment être différent de ses concurrents au regard de ses clients – plus largement aujourd’hui des acteurs de son écosystème – dans le choix de son positionnement et dans l’exécution de ce positionnement.
Ce faisant, l’entreprise décide de développer et de mettre en marché une proposition de valeur susceptible de créer un avantage concurrentiel source de déséquilibre en sa faveur vis-à-vis de ses concurrents. Les moyens de générer cet avantage – cette différence – sur la concurrence ne sont pas pléthore. Il s’agit de façon générale soit de proposer une offre au contenu relativement similaire mais à un prix plus attractif, soit de développer une offre plus qualitative aux yeux de certains clients prêts à l’acquérir à un prix plus élevé au regard de cette qualité supérieure. Certaines entreprises font également le choix de se différencier sur les deux tableaux en développant des stratégies dites hybrides, ce qui nécessite en général de « reconstruire » une nouvelle proposition de valeur pour supporter cette dualité.[2]
Mais pour être différent, encore faut-il connaître et analyser ses concurrents. Connaitre et analyser le contenu de leur offre, leur clientèle, leur mode de commercialisation, leurs partenaires clés, leur équation de profit. Autant dire l’ensemble des composantes de leur business model. Dans cette analyse il ne faut pas se tromper de cible et l’important est de comparer ce qui est comparable. Il importe donc d’identifier les entreprises qui ont fait le même choix d’orientation stratégique que celui décidé par l’entreprise afin d’identifier les bonnes pratiques en vigueur. C’est tout l’objet de ce que l’on appelle le benchmark.
Cette analyse comparative qui se porte sur des concurrents du même groupe stratégique que l’entreprise trouve sa légitimité et sa pertinence sur la nécessité de connecter très directement les choix stratégiques de l’entreprise avec les choix de son business model. En effet le business model de l’entreprise est la logique d’articulation de mise en œuvre opérationnelle de ses choix stratégiques. Le benchmark consiste donc à sélectionner les entreprises les plus performantes pour identifier les meilleures articulations entre les composantes de leur business model et à se comparer par rapport à ces meilleures pratiques.
Afin de pré-identifier les entreprises les plus performantes de son groupe stratégique, l’entreprise pourra décider d’utiliser les ratios du modèle de DuPont, en décomposant le retour sur investissement des entreprises en retour sur ventes (Return on Sales) et en taux de rotation des actifs (Asset Turnover). Ces ratios financiers ont l’avantage de pouvoir identifier les entreprises ayant une capacité supérieure à générer de la marge en se différenciant ou à optimiser l’utilisation de leurs actifs.
Lorsque que l’échantillon auquel il fait sens de se comparer est constitué, il faut alors mettre à plat les pratiques de ces « best in class » pour faire émerger leurs facteurs clés de succès et les capacités stratégiques qu’ils ont développées. L’analyse benchmark portera sur l’ensemble du périmètre du business model de l’entreprise – la proposition de valeur, les segments de marché adressés, les activités et ressources clés, les canaux de commercialisation, les partenaires clés, le modèle de revenus et la structure de coûts – avec comme préoccupation première le niveau de cohérence avec lequel les acteurs les plus performants du groupe stratégique ont su articuler toutes ces composantes.
Parmi les outils qui permettent de structurer cette analyse comparative, celui mis à disposition par BPIFrance, est particulièrement convivial et simple d’utilisation. Nous le partageons avec vous.
« Benchmark : comment analyser vos concurrents ? »
By: Dr Philippe Chereau, directeur de SKEMA Ventures
(A lire également : Le Conseil en Stratégie. Missions, méthodes et livrables, Philippe Chéreau et Pierre-Xavier Meschi, Vuibert)
References
[1] Porter Michael E., What is strategy? Harvard Business Review, 1996
[2] Kim Chan W. et Mauborgne Renée, Blue ocean strategy : From theory to practice, California Management Review, 2005